Πέμπτη 16 Φεβρουαρίου 2012

Vie quotidienne en Grèce : "La rigueur a bouleversé nos vies"


Malgré la mobilisation des syndicats et des manifestants, Athènes a adopté dimanche un nouveau plan de rigueur. Mises en place depuis 2010, l'ensemble des mesures d'austérité ont eu un impact direct sur le niveau de vie de la population, augmentant les disparités entre les classes moyennes et aisées, mais également entre les villes et les campagnes.
Comment les Grecs vivent-ils ce déclassement ? Comment se débrouillent-ils pour faire face au quotidien ? Quelques réponses dans cette sélection de témoignages envoyés au Monde.fr.
  • Des taxes en série par Kostas, gérant d'une PME à Athènes
Je n'arrive pas à faire la liste des augmentations récentes, tellement j'ai peur d'en oublier. TVA, carburants, taxe "exceptionnelle" sur les impôts de 2010 et 2011, taxes sur les logements, sur le gaz, le fioul domestique, la restauration… Sans oublier l'augmentation des impôts sur le revenu et la baisse du seuil d'imposition. Conséquence : les salaires du privé ont chuté après l'augmentation des charges et des impôts, directement prélevés à la source. Tout le monde est logé à la même enseigne : baisse des revenus et augmentation de toutes les dépenses au quotidien. Le cercle vicieux de la pauvreté est bel et bien enclenché.
    • Une famille au chômage par Alexia H., 46 ans, employée de banque à Athènes
    La rigueur a totalement bouleversé nos vies. Nous sommes une famille de deux adultes avec un enfant et nous avons perdu tous les deux nos emplois respectifs[que nous occupions] depuis vingt ans, me concernant, et quatorze ans, pour mon conjoint. A la recherche d'un nouvel emploi, nous comptons essentiellement sur la chance ou [un coup de pouce d'] une connaissance. En moins d'un an, les licenciements ont plus que triplé et l'indemnité chômage versée, qui était de 450 euros, va être réduite à 360 euros. A côté de cela, le coût de la vie a augmenté. Les supermarchés affichent des prix souvent bien plus chers qu'en France. Nombreux sont les foyers qui ne se chauffent pas cette année (le fuel est hors de prix) et nombreux sont ceux qui préfèrent se déplacer en transports en commun plutôt qu'en voiture (le prix de l'essence est inabordable). Il ne s'agit plus d'une baisse dupouvoir d'achat, mais de sa disparition.
    • Des baisses de salaire en cascade par Helena A., 33 ans, professeur à Athènes
    Professeur dans l'enseignement privé, en CDD, mon contrat se termine chaque année en juin et se renouvelle en septembre. Je touche des indemnités-chômage pendant l'été. A la rentrée, j'ai subi une baisse de salaire de 20 %, et une nouvelle baisse ne devrait pas tarder. Le prétexte employé par l'Etat est d'être au même niveau que les salaires des enseignants de l'éducation nationale. Le salaire mensuel net en début de carrière était l'année dernière de 1 114 euros, mais sera baissé a 660 euros le mois prochain pour 21 heures d'enseignement hebdomadaire. Les allocations-chômage, que je touche entre juin et septembre, ont également baissé. Elles sont passées de 461 euros par mois à 356 euros par mois. De plus, les conditions pour les obtenir se sont durcies. Je n'y aurai pas droit cette année, et mon mari non plus.
    • La solidarité familiale par Panagiota P., 39 ans
    Diplômée en langues étrangères, je travaille depuis l'âge de 19 ans. Aujourd'hui, à 39 ans, je dépends encore économiquement de mes parents. Même en travaillant cinq jours par semaine et huit heures par jour, mon salaire est de 700 euros par mois, ce qui ne suffit pas pour louer un appartement. Mes amis du même âge sont dans la même situation. Dès que nous nous voyons, nous évoquons les nouvelles réformes. A chaque fois, nous espérons, à tort, que [chaque nouveau] plan d'austérité sera le dernier.
    Des retraités lors d'une manifestation anti-FMI à Athènes, mardi 14 février.
    Des retraités lors d'une manifestation anti-FMI à Athènes, mardi 14 février.REUTERS/JOHN KOLESIDIS
    • Toutes les classes sociales sont touchées, par Kyriakos K., 42 ans, enseignant
    Notre foyer (deux adultes-deux enfants) vivait avec 3 000 euros par mois en 2006. Aujourd'hui, nous ne disposons que de 1 500 euros en moyenne. Si les salariés et les fonctionnaires sont les plus touchés, les professions libérales ne sont plus épargnées. Toutes les classes sociales sont rattrapées par la crise. (…) Les personnes les plus touchées par la crise, les classes moyennes et populaires plus les moyens de consommer, d'aller faire leurs courses ou de se rendre chez le médecin. La semaine dernière, je suis allé chez le dentiste, la salle d'attente était vide. Par ailleurs, toutes les constructions ont été arrêtées. Les architectes et ingénieurs vont se retrouver, eux aussi, sur le carreau. Et ainsi de suite.
    • La déréglementation ruine nos économies par Callie Adam, 45 ans ingénieur à Athènes
    Agée de 45 ans, je suis mariée et j’ai une jeune fille de 12 ans. Ingénieur diplômée, je travaille depuis 1992. En 2009, mon salaire était de 1 900 euros.  Avec la convergence européenne, mon salaire était suffisant pour vivre décemment, j'avais un bon niveau de vie. Depuis le 1er novembre 2011, mon salaire a chuté à 980 euros. Et les réductions continuent. Mais je ne suis pas la plus touchée par la crise. Mon mari avait une société de transport et deux camions. Avec la crise, sa clientèle a été réduite. Il a été contraint de licencier du personnel. Le problème aujourd'hui, c'est qu'il ne peut pas revendre l'un de ses camions avec sa licence, car le gouvernement a annoncé que la profession sera désormais [libéralisée], sansdonner plus de précisions. Personne ne veut plus d'une telle licence, achetée il y a deux ans. Résultat : 25 000 euros de capital investi de perdu. Mon mari gagne désormais 400 à 500 euros par mois.
    AP/Thanassis Stavrakis
    • Athènes n'est plus la même par Georges T., 53 ans, chercheur
    Athènes est devenue morose et dangereuse. Pour faire des économies d'énergie, la ville est mal éclairée la nuit, c'est déprimant. Dans des rues entières, on trouve des magasins fermés aux devantures couvertes de graffitis. Chaque jour, les journaux grecs publient des cartes de la ville, avec comme indication les lieux des derniers vols, agressions ou cambriolages. L'hiver est rude. Les sans-abri se multiplient dans le centre-ville et cherchent dans les poubelles de quoi manger. Les émigrés qui sont venus chercher du travail en Grèce il y a quelques années se retrouvent piégés ici et n'ont pas les moyens de partir. Ils tentent simplement de survivre.
    • Certaines zones touristiques s'en sortent mieux par Isabelle K., responsable d'une agence touristique en Crète
    Française, vivant en Crète depuis vingt ans, j'ai vu mon niveau de vie brutalement réduit après la suppression des allocations familiales et des allocations-logement. Mon salaire a, lui aussi, été réduit alors que je travaille dans le tourisme, soixante heures par semaine, samedi et dimanche compris. Dans ce secteur, le travail au noir se multiplie d'autant plus que les contrôleurs du travail ont disparu avec les suppressions des postes de fonctionnaires. En Crète, destination touristique en pleine expansion, la situation est moins compliquée que sur le continent où règnent misère, chômage et fermetures d'usines. L'île dispose d'une agriculture et d'une pêche florissantes, mais surtout d'une saison touristique élargie. Les touristes qui partaient au Maghreb se reportent chez nous depuis les révolutions arabes.
    • 750 euros par mois pour un bac + 12 par Dimitrios S.
    J'ai 32 ans et je suis enseignant de langue grecque dans une école publique. Jusqu'en septembre, je gagnais 1 200 euros par mois. Je parle six langues, j'ai un doctorat en philologie, soit douze ans d'études, et je dois désormais survivre avec 750 euros par mois. Après avoir payé les dépenses de première nécessité, il me reste soixante-dix euros pour vivre. Soixante-dix euros pour aller chez le médecin, pour acheter des vêtements ou des livres, boire un café, aller au cinéma ou affronter un imprévu.
    • "Je me dois de consommer différemment" par Marine P., 42 ans, Thessalonique
    D'un côté mon salaire a baissé de 38 %, de  l'autre, ma facture d'électricité a augmenté de 24 % par rapport à l'année dernière, et ma facture de gaz, de 37 % ! En quatre mois, le pain est passé de 75 centimes à 95, le lait que j'achète est passé de 1,18 à 1,46 euros, ma lessive de 11,75 à 16,30 euros (…) ! On ne peut pas suivre à cette vitesse ! La rigueur a bouleversé mon quotidien : je mange moitié moins de viande, je ne vais plus au resto, j'achète très peu de vêtements et seulement pendant les soldes, je ne suis plus partie en vacances depuis deux ans. Mes cousins du village disent qu'ils n'ont pas bien senti la crise (sauf pour l'essence), alors que pour nous, en ville, c'est l'enfer.
    • Des municipalités en faillite par Suzanne K., île d'Egine
    Je vis en Grèce depuis trente-cinq ans. J'ai pu gagner mon pain correctement jusqu'à ces dernières années en "vendant" mon français (cours, traductions). Je suis maintenant à la retraite et mon mari aussi. Notre niveau de vie plonge brutalement vers la précarité car notre pouvoir d'achat diminue avec les baisses de nos pensions, les hausses de prix, mais surtout les hausses d'impôts. Nous vivons actuellement sur l'île d'Egine, proche d'Athènes, qui est gravement frappée par la faillite de l'Etat, car la municipalité est actuellement dans l'impossibilité financière de faire acheminer l'eau et de ramasser les ordures ! Les écoles ne sont pas chauffées et les employés municipaux ne voient leurs salaires versés que de temps en temps…

    lemonde.fr

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