C’est carnaval depuis déjà deux semaines, à Patras, mais le cœur n’y est pas. "D’habitude, les rues sont remplies de gens costumés et masqués. Cette année, impossible d’arracher un sourire", soupire un vendeur ambulant.
Les joyeux personnages en carton-pâte installés par la mairie ne font pas illusion : la grisaille de l’hiver est seulement dissipée par les affichettes jaunes "A louer" et "A vendre" qui ornent les vitrines des commerces en faillite.
La bijouterie de Georges Roros a survécu mais l’homme est inquiet. Président de l’un des deux syndicats de commerçants de la ville, il est aux premières loges pour assister à l’effondrement de la capitale du Péloponnèse (250 000 habitants). Patras a enregistré 1 630 fermetures d’entreprises en 2010 et 1 730 en 2011.
Georges Roros |
Assis entre une icône dela Vierge et un buste d’Hermès, M. Roros accuse : les banques, qui ont "trop vite coupé le robinet du crédit" ; Bruxelles et Angela Merkel, qui voudraient "tuer les entreprises grecques pour ensuite investir à moindre frais" ; Athènes et ses hommes politiques "illégitimes", qui ont "signé l’arrêt de mort du pays".
"A vendre" |
Nikos Sifados, du journal local Peloponnisos, possède un autre indicateur imparable pour mesurer la chute de la troisième ville de Grèce : la vitesse à laquelle s’écoule son édition du jeudi, celle où sont répertoriées les offres d’emploi. "Semaine après semaine, il y a de moins en moins d’annonces, mais le journal s’arrache de plus en plus tôt dans la journée", explique M. Sifados, qui en rigolerait presque : "Ca ne résout même pas la crise de la presse, on est passé de sept journaux locaux a quatre !"
Les statistiques officielles confirment la tendance : la ville compte 25 % de chômeurs, contre 10 % en 2009. De l’aveu même de l’adjoint au maire à la politique sociale, Teoharis Massaras, le chiffre réel, une fois pris en compte les travailleurs les plus précaires, pourrait être bien supérieur. Parallèlement, les prix ont grimpé : en trois ans, le fioul de chauffage est passé de 5 centimes le litre à un euro. "Cette augmentation, ce sont les taxes que les Européens nous accusent de ne pas payer", commente, amer, M. Massaras.
"A louer" |
Face à l’ampleur du choc, les services sociaux sont dépassés. Il y a encore un an, la mairie distribuait des repas à 400 familles. Elles sont aujourd’hui mille à recevoir nourriture et médicaments, et 500 demandes sont en souffrance. Il a fallu "faire des choix", reconnaît M. Massaras : l’aide sociale qui allait aux milliers de migrants bloqués en ville en attendant d’embarquer dans un ferry pour l’Italie est désormais accordée en priorité "aux gens d’ici".
Ioannis Souvaliotis |
Pour les anciens, comme Ioannis Souvaliotis, dirigeant local dela Confédération générale des travailleurs grecs (GSEE), la crise actuelle rappelle la mauvaise passe des années 1980, quand les grandes usines – de textile principalement – avaient quitté la ville. "Au lieu de chercher à recréer un tissu industriel, Patras s’est spécialisée dans les services", regrette M. Souvaliotis. Car les cohortes de nouveaux chômeurs se recrutent aujourd’hui quasi exclusivement chez les petits employés du tertiaire et les commerçants, qui n’ont pas résisté à la baisse de la consommation provoquée par les plans d’austérité imposés par la troïka.
Rescapé de cette chute vertigineuse, seul le port offre encore un filet de sécurité à la ville. Porte d’entrée pour les touristes motorisés de l’Europe entière et porte de sortie des exportations de la région, il est la dernière valeur sûre de Patras, malgré son trafic – passagers et camions – en diminution de près de 30 % en quatre ans. Mais là aussi l’inquiétude règne, exprimée par Nikos Papaleksis, président du syndicat des hôteliers de la région Achaïe : "Nous n’avons pas très bonne presse en Allemagne, en ce moment, il ne faudrait pas que ça décourage les touristes."
lemonde.fr
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