Une Cadillac rose de 1959, une Rolls Royce Phantom, une arme à feu, 11 millions de dollars gelés sur divers comptes.
C'est le premier bilan des perquisitions menées par la police néo-zélandaise sur la base des mandats d'arrêt américains émis à l'encontre de Kim Schmitz, fondateur de Megaupload.com, aujourd'hui fermé. Un butin aussi extravagant que la personnalité de l'homme qui risque aujourd'hui une peine de vingt ans de prison.
Difficile toutefois de démêler le vrai du faux dans le parcours de cet Allemand qui fêtera ses 38 ans le 21 janvier prochain derrière les barreaux, tant il semble s'être fait une spécialité de raconter à peu près tout et n'importe quoi sur sa vie privée comme sur ses activités professionnelles.
D'origine allemande, son nom sort de l'anonymat en 2001 quand il annonce un investissement de 50 millions d'euros dans la société Letsbuyit.com, qui connaît de graves difficultés. "Letsbuyit est une superbe compagnie et je n'investirais pas dans quelque chose dont je ne serais pas absolument sûr. Je ne joue pas avec mon argent", déclare-t-il alors au Guardian, qui le présente comme un "chevalier blanc". Le quotidien britannique explique alors que sa fortune vient en grande partie de la revente de 80 % de ses parts dans l'entreprise de sécurité informatique Data Protect. Condamné pour trafic de carte bancaire en 1996, Kim Schmitz assure alors que tout cela est derrière lui.
Les perspectives de cet investissement font grimper le cours de l'action de la société Letsbuyit et lui permettent de revendre ses titres préalablement acquis en réalisant plus de 1,2 million de dollars de profit. Des manipulations sur les cours, qui lui vaudront une condamnation à 100 000 dollars d'amende et vingt mois de prison avec sursis.
DU HACKING AU TÉLÉCHARGEMENT DIRECT
Mais pour certains forums spécialisés, Kim Schmitz est plus connu comme le hacker qui revendique avoir pénétré des systèmes informatiques ultra-sophistiqués, comme celui de la NASA. En 2001, après les attentats du 11 septembre, il se déclare capable avec son groupe YIHAT (Young Intelligent Hackers Against Terror) de pirater les comptes d'Oussama Ben Laden.
Des talents remis en question par une partie de la communauté hacker. La revue britannique spécialisée dans les nouvelles technologies The Register explique ainsi dans un article d'octobre 2001 que Kim Schmitz est avant tout une légende du "hacking dans son propre esprit". Le Robin des bois qu'il prétend être s'avèrerait plus proche d'Al Capone, comme le note le site Fluctuat.net.
Il est temps pour lui de changer d'air et... d'identité. Kim Schmitz, qui se fait désormais appeler Tim Vestor, ou plus précisément, Kim Tim Jim Vestor, possède un passeport finlandais et s'installe à Hongkong où, selon plusieurs médias locaux, il réside au dernier étage de l'hôtel Hyatt. C'est de là, à la faveur d'une fiscalité favorable, qu'il fonde en 2005 Megaupload Limited, composée d'une myriade de sociétés, comme le rapporte le site Owni. La galaxie MegaWorld est lancée.
Fin 2010, l'homme ressurgit en Nouvelle-Zélande. Les sites de streaming comme YouTube ou DailyMotion se démocratisent, les coûts de la bande passante diminuent – et dans certains pays, les lois anti-téléchargement incitent les internautes à utiliser les services de téléchargement direct ou de streaming, qui ne sont pas surveillés. Celui qui a de nouveau changé d'identité pour se présenter comme Kim Dotcom ("point com", en français) se fait vite remarquer à Auckland en acquérant pour 30 millions de dollars la propriété la plus chère du pays. L'occasion pour les médias locaux de se pencher sur son itinéraire et, pour le journal The Investigate, de réaliser en avril 2010 une enquête fouillée (PDF) sur celui qu'il présente comme un "criminel international".
Le journal révèle les frasques nombreuses du fondateur de Megaupload, qui laisse apparaître une certaine mégalomanie. On apprend ainsi qu'il a loué les services d'un ancien modèle de Playboy pour faire croire qu'elle était sa compagne, ou encore qu'il s'est fait photographier à côté d'un jet, puis d'un yacht, pour faire croire aux lecteurs de son blog qu'ils lui appartenaient.
"C'EST UNE MENACE SÉRIEUSE CONTRE NOTRE BUSINESS"
Mais avec le temps, la polémique sur les droits d'auteurs enfle. Au mois de décembre 2011, le groupe met en ligne une vidéo promotionnelle dans laquelle plusieurs chanteurs célèbres disent les louanges du site de téléchargement : "I like Megaupload", assurent ainsi Kanye West, Alicia Keys ou encore Will.i.am.
Une vidéo rapidement retirée de certaines plateformes après une réclamation de la major Universal, qui assure que des artistes sous contrat avec elle n'ont pas donné leur accord pour y apparaître. Kim Dotcom assure en réponse dans un entretien au blog Torrent Freak que son groupe envisage de rémunérer les artistes grâce aux ressources publicitaires.
Un message relayé en janvier par le directeur des opérations du groupe, Emmanuel Gadaix, en déplacement à Paris, qui ajoute que le service Megabox redistribuera 90 % de ses revenus aux artistes. Attaqué à l'occasion d'une table ronde au Sénat sur le caractère illégal et mafieux de l'entreprise, le cadre de Megaupload rappelle que la société n'a jamais été condamnée dans aucune juridiction.
En coulisses, comme le révèle l'acte d'accusation, Kim Dotcom sent la pression s'accentuer. Il se préoccupe des bénéfices de l'entreprise et scrute la presse spécialisée. Dès le 8 juillet 2010, dans un e-mail récupéré par les enquêteurs, Kim Dotcom s'inquiète de l'intensification de la lutte contre le piratage aux Etats-Unis. Pointant un article sur la saisie de nom de domaines de divers sites aux Etats-Unis, le fondateur de Megaupload explique : "C'est une menace sérieuse contre notre business", tout en demandant à ses collaborateurs de se pencher sur la question afin de voir comment ils peuvent se protéger. "Devons-nous délocaliser notre domaine dans un autre pays (Canada ? Hongkong ?)".
Un an et demi plus tard, le FBI (police fédérale américaine) et le ministère de la justice américain considéraient qu'il s'agissait de l'une des plus "grandes affaires de violation de droits d'auteur jamais traitées aux Etats-Unis".
lemonde.fr
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