Faire payer aux géants du Web "un impôt représentatif de leurs activités dans notre pays" et les faire participer "au financement de la création, ainsi qu'à celui des investissements dans les réseaux" : dans une interview au Point, Nicolas Sarkozy a précisé sa politique
en matière de fiscalité du numérique, et évoqué des pistes pour finalement mettre en place une "taxe Google" – sans préciser le montant ou l'assiette exacte de ce nouvel impôt.La volonté n'est pas nouvelle : Nicolas Sarkozy a affirmé à plusieurs reprises qu'il ne trouvait pas normal que les géants du Web, dont les sièges européens sont majoritairement situé en Irlande ou au Luxembourg, ne payent que très peu d'impôts en France. Mais une première proposition de taxe sur la publicité en ligne, qui visait principalement Google et, dans une moindre mesure, Facebook, avait fait long feu l'été dernier.
Décriée par les entrepreneurs français, qui estimaient que la taxe constituerait surtout un frein pour les entreprises françaises et ne toucherait que très peu les grands acteurs internationaux, elle avait finalement été abandonnée. Nicolas Sarkozy souhaite proposer une nouvelle forme de taxe sur la publicité en ligne, mais n'a pour l'instant pas présenté les détails du projet, ni de quelle manière il pourrait être différent de la "taxe Google" première version.
Nicolas Sarkozy avait laissé déjà entendre qu'une nouvelle taxe, destinée au financement de la création culturelle, serait mise en place. Il en avait exposé le principe lors de l'inauguration du nouveau siège parisien de Google, et Eric Schmidt, le numéro deux du groupe, avait alors expliqué "ne pas être opposé" à ce que Google participe au financement de la création.
Mais dans son entretien au Point, Nicolas Sarkozy va plus loin. "Tous les géants de l'Internet (...) devront participer au financement de la création, ainsi qu'à celui des investissements dans les réseaux, qui sont aujourd'hui supportés exclusivement par nos fournisseurs d'accès". Un clin d'oeil aux fournisseurs d'accès, qui demandent depuis plusieurs années des aides pour financer le déploiement des réseaux, notamment de fibre optique.
MISE EN PLACE COMPLEXE
Mais la mise en place de ces nouvelles taxes se heurterait à de nombreuses difficultés, notamment au niveau européen. Conformément aux règles internationales, Facebook, Microsoft ou Google, dont les sièges européens sont installés en Irlande, payent leurs impôts dans l'île – où l'imposition des entreprises est particulièrement avantageuse. Imposer les géants du Web en France supposerait donc une remise à plat du fonctionnement de la fiscalité européenne – voire mondiale.
Le traité constitutionnel européen précise en effet que "toutes les décisions en matière fiscale qui doivent être prises au niveau européen sont soumises à la règle de l'unanimité, ce qui signifie que tous les États membres doivent être d'accord sur toute mesure adoptée dans le domaine fiscal", rappelle la Commission européenne, qui plaide de son côté pour un assouplissement de la règle. En l'état, la modification des règles de fiscalité pourrait s'avérer complexe, l'Irlande n'ayant que peu d'intérêt à accepter une modification.
Hors de l'union, la situation n'est pas non plus simple : dans un rapport publié en 2004, l'OCDE s'était penchée sur les questions soulevées par les règles fiscales en matière de commerce électronique. Le rapport final (PDF) de l'organisation estimait qu'au "stade actuel, le commerce électronique et les autres modèles économiques résultant des nouvelles technologies de la communication ne justifieraient pas en eux-mêmes de rompre brutalement avec les règles existantes". L'OCDE jugeait également que la mise en place d'un modèle alternatif de taxation serait subordonné "à un large accord sur la supériorité manifeste d'une alternative particulière aux règles actuelles ; or, aucune des solutions de rechange qui ont été suggérées jusqu'à présent n'apparaît remplir cette condition".
CONVERGENCE FISCALE
Nicolas Sarkozy semble cependant convaincu qu'une renégociation est possible : "Il y a au moins deux pistes sérieuses que je veux faire explorer concomitamment, au niveau français aussi bien qu'européen : une taxe sur la publicité en ligne et l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés - quitte, dans ce dernier cas, à renégocier certaines de nos conventions fiscales", explique le président de la République au Point.
Au niveau européen, c'est plus généralement vers une harmonisation que souhaite tendre la Commission européenne, notamment en matière d'assiette fiscale. Mais le chantier est long : débutées en 2004, les discussions sur une assiette européenne butent sur l'opposition de la Grande-Bretagne... et de l'Irlande, malgré la volonté de la France et de l'Allemagne de faire avancer de dossier.
Un accord européen sur le sujet constituerait un premier pas, mais ne serait pas une solution définitive. Rien n'empêcherait les entreprises d'établir leur siège social hors de l'Union européenne en cas d'évolution des impôts directs ; Apple, dont le siège européen est aujourd'hui situé au Luxembourg, paye des impôts très légers sur les produits dématérialisés.
lemonde.fr
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