Une nouvelle République prête à remplacer un petit clan sur le départ : dans son discours de Dijon samedi, François Hollande a exposé sa conception du pouvoir, disséquant pour cela point par point les cinq années du quinquennat Sarkozy.
A cinquante jours du premier tour, devant tous les grands élus du PS et plus de 10 000 personnes, le candidat socialiste à l'Elysée est venu dresser le portrait de sa présidence « normale » - indépendante, impartiale et respectueuse - en pleine « surenchère » d'attaques de la droite. Et tenter de ramener le débat sur le terrain des propositions pour s'éloigner de l'onde de choc de Bayonne, entretenue par le président-candidat.
Pendant la première moitié de son discours de 75 minutes, le candidat socialiste à l'Elysée torpille le chef de l'Etat sans jamais le nommer. « A vouloir exercer tous les pouvoirs, on n'en exerce aucun et cette omnipotence conduit à l'impuissance qui elle-même engendre l'irresponsabilité », lance Hollande à la tribune du Zénith.
«Le pouvoir s'use à force de ne pas servir le pays, la brutalité heurte et l'isolement enferme. L'autorité appelle la sérénité. La légitimité requiert le respect», insiste-t-il. Autant de pierres dans le jardin de son principal adversaire, qui s'apprête à monter sur scène de l'autre côté de la France, à Bordeaux. En mai prochain, comme en 1981, le député de Corrèze appelle de ses vœux « pas seulement le changement d'un pouvoir, celui du président sortant, mais le changement du pouvoir en France ».
Comme à son habitude, Hollande règle ses comptes par ellipses. «Je ne recevrai pas à l'Elysée les parlementaires qui me soutiennent. Le rôle des parlementaires, c'est d'être au Parlement», souligne-il, la voix totalement éraillée. D'une phrase, il solde la période « bling » de Nicolas Sarkozy et défend sa proposition d'imposer les super riches à 75% au-delà d'un million d'euros de revenus.
Indépendant des puissances de l'argent
«Le nouveau président sera indépendant des puissances de l'argent. Il doit les mettre à distance, n'entretenir ni complaisance ni connivence. Recevoir les patrons de CAC 40 autant que nécessaire. Etre invité par eux le moins possible», professe-t-il.
Hollande président, le futur Premier ministre ne sera pas un « collaborateur mais l'animateur d'une équipe ». François Fillon appréciera. Le socialiste assure également que ses ministres ne seront « pas des souffre-douleurs, des faire-valoir, des prête-noms ». Toujours en tête des sondages, après une semaine catastrophe côté UMP et devant une salle acquise, Hollande se laisse aller à l'humour : « bref je suis venu vous adresser une grande nouvelle ici à Dijon : si je suis élu président de la République, il y aura donc un gouvernement ! ».
Pour qu'il ne manque aucune bonne volonté dans un parti socialiste très puissant localement et parfois donc peu motivé pour mener une campagne présidentielle, il brandit son assurance-vie : l'abrogation de la réforme territoriale de la droite. En septembre, cette promesse a déjà permis en partie de coaliser les élus locaux pour faire basculer le Sénat à gauche. « Il sera mis fin au conseiller territorial, vous savez cet être hybride qui ne verra jamais le jour », assure Hollande.
A Bayonne, Sarkozy a accusé les socialistes de collusion avec les indépendantistes basques pour gâcher son déplacement de jeudi. Le chef de l'Etat est allé jusqu'à parler de « l'épuration » promise par le socialiste dans la haute fonction publique. « Je n'ai pas été insensible à tous les compliments qui m'ont été fait par le camp d'en face (...) mais je veille chaque jour à ne pas me laisser entraîner dans la polémique, la surenchère. Les mots qui ont toujours un sens doivent être maîtrisés, les expressions qui peuvent échapper à la pensée de leur auteur doivent être retenues. Les propositions doivent être là pour convaincre pas pour vaincre », recommande Hollande.
Et puisque la droite l'accuse de préparer une « purge » dans la fonction publique, Hollande embraie . Sous sa présidence, «l'Etat ne sera pas l'Etat UMP. Mais, ce ne sera pas davantage l'Etat PS. L'Etat c'est l'Etat propriété de tous les citoyens. La seule loyauté qui sera réclamée (aux hauts fonctionnaires) sera à l'égard de l'Etat et non à l'égard du chef de l'Etat ». Il reprend même les mots de Nicolas Sarkozy pour défendre fonctionnaires et magistrats qui ont été « moqués comme des petits pois ».
Ramener le débat présidentiel sur le fond, c'est ce que veulent les socialistes, accusant la droite de « brouiller » la campagne. Pour Bernard Cazeneuve, porte-parole du candidat, le chef de l'Etat, l'UMP et ses dirigeants « entretiennent le tohu-bohu, pratiquent l'agressivité pour qu'on ne parle ni du bilan ni de leurs propositions ».
Au bout d'un proscenium bleu - une petite avancée de scène dans la foule censée accentuer la proximité du candidat avec ses partisans - Hollande ajoute un paquet de codicilles à ses « 60 engagements pour la France »: réforme du CSA, dont les membres seront nommés par les commissions des affaires culturelles du Parlement, création d'un « haut conseil des territoires », élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct, contrôle de l'action gouvernementale tous les six mois par le Parlement...La journée est magnifique dehors, beaucoup de militants ont préféré suivre le discours en plein air. Hollande truffe son discours du verbe « aimer », un anagramme du mot « maire », souligne-t-il devant un parterre d'élus aux anges. Son discours est presque exclusivement au futur, très peu au conditionnel. Le socialiste frôle l'excès de confiance. Dans cette Bourgogne chère à François Mitterrand, il sent « comme un parfum de printemps qui vient , qui annonce les victoires de mai ».
liberation.fr


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